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Que le grand St Hubert nous protège !
Mon Cher Jean,
ta lettre est venue me trouver à Thozée, et pendant que tu es
là bas faisant un bon et beau livre que nous attendons tous avec impatience, je suis ici
occupé à rechercher la dernière bécasse ; – cette dernière bécasse qui est le
gibier-fantôme que tout le monde a vu et que l’on ne trouve jamais. Je t’avouerai, entre
nous, bien bas, que je suis le plus malheureux des artistes chasseurs, voilà trois ans
que je poursuis un rêve insensé et charmant, celui de tuer un vrai sanglier de mes
propres mains. – Chaque
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année j’enfourche un respectable bidet normand qui a bercé mon enfance et je pars
fièrement pour l’Hertogenwald,
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j’ai cinquante cartouches, – à balles !! – dans mon carnier, le volume de Jacques Dufouilloux dans ma poche droite, – des crayons Gilbert et mon album dans la poche gauche (il ne faut jamais
oublier l’Art !) puis le Dictionnaire de Vénérie à la main ! – ajoute deux bouteilles «
de pequet » dans les fontes, et dix chiens jappant à mes trousses l’ouverture du Jeune
Henri. Les bonnes gens regardent
passer avec une stupeur admirative ce grand garçon qui s’en va chevauchant à la diable
en prononçant des mots mystérieux.