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Mon Cher Vieux,
Je ne veux pas laisser partir le courrier sans te dire la bonne impression faite par ton
livre sur ton ami Rops. Je l’ai avalé au galop & voici
le résumé d’une première lecture impression qui se modifiera évidemment :
– Le livre court bien, il marche rapidement, l’affabulation est intéressante, les
portraits Simonis Mlle [illisible: effacé] &c sont bien. Mérite énorme : Cela n’est pas pastiché, tu ne cherches à imiter personne. Défaut grave
: Cela ne se passe dans aucun pays du monde C’est « du pays
wallon en Touraine » & dans une Touraine complètement fausse & dans un Paris de 1863. – Tout ce qui est de
Paris
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parait écrit en 1863. c’est
vieillot. Je suis brutal & je vais plus loin : c’est
excessivement négligé comme
style & comme langue. Comme détails : (on peut
te les souligner à toutes les dix pages) c’est plein de notes fausses, souvent des
phrases prudhomonesques : que je te citerai, car je
veux t’éreinter, c’est la plus grande preuve d’amitié que je
te donnerai. T’éreinter entre nous bien entendu, & te
congratuler aussi quand tu le mérites. Quant on a fait ton livre, on doit faire mieux,
cela oblige. Je ne te croyais pas capable de le faire avant deux ou trois ans. – Tout ce
qui touche à l’Italie est très bien
fait ; tu fais également habilement & spirituellement le dialogue mais trop de notes
piquées & mal replacées. Tu trouves un doigt sur nature,
tu le fais mouler, tu te dis : joli morceau de nature ! tu le prends & tu le colles
au milieu du visage de la statue que tu fais, cela n’est plus en situation. C’est ton
cas à chaque instant. – Tous ces gens là parlent le wallon & ils ont raison si cela
se passait à Anseremme ou à la Somme,
mais cela à Paris & en Touraine !
– Quelle drôle d’idée de ne pas tout bonnement
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faire ce roman se passer dans les milieux qui l’on inspiré !
Et à travers tout cela des détails charmants, des choses très réussies – & du talent. Quel drôle de bonhomme tu fais. Mais tu as évité la chose la plus embêtante de ce temps : le pastiche. Tu es toi, ton verre est trouble mais c’est ton verre, le vin que tu y bois est encore « chargé » mais il s’améliorera & je le crois d’un bon cru.
Au galop & à ton ton ami brutal
Fély Petdeloup
homme sévère mais juste.
Nous en recauserons de tout cela.
Très bien les machines d’Italie !
parce que c’est vu & étudié.
Plein de fautes le livre je t’assure : des choses comme cela : un pointre pour un pointer – « une drève » mot purement wallon – (de l’allemand !) c’est du wallon tout cela !
Qui t’a dit que les dix cors couvaient avec des daguets ? Pourquoi ne pas étudier ces choses ? Il n’y a pas de
« petites bêtes » pour le livre. Lis Taine & Goncourt & jamais tu ne trouveras ces choses là, – &
je t’aurais empeché de les écrire. – Somme toute ton livre est intéressant à travers tout et c’est énorme.